La conclusion du chapitre 1 Tome 1 ici présentée résume le contexte dans lequel Claude-Joseph Bonnet fit ses débuts dans la soierie lyonnaise
Les débuts de Claude-Joseph Bonnet à Lyon furent modestes et somme toute, classiques pour ce fils du commissaire-géomètre de Jujurieux, descendant de marchands et fermiers de rentes d’Ambérieu, né en Bugey au XVIIIe siècle, dans une famille nombreuse. Cette famille qui le dirigea vers la grande ville n’était pas une famille paysanne mais une famille de la bourgeoisie rurale. Elle avait connu un éclatement géographique temporaire et une certaine ouverture intellectuelle dans les dernières décennies du XVIIIe siècle : l’aventure commerçante aux Antilles tentée par l’ainé des oncles de Claude-Joseph, Isaac Bonnet. L’embrassement des carrières juridique et médicale par les frères de celui-ci, Jean-Baptiste et Joseph.
Tenter sa chance à Lyon
Les mariages accompagnèrent le mouvement et étendirent la famille aux quatre coins du nouveau district de Saint-Rambert-en-Bugey : de Cerdon à Tenay, en passant par Jujurieux et Ambérieu. Petite ou moyenne bourgeoisie, mais déjà ambitieuse : à défaut d’argent, elle ménageait à Claude-Joseph Bonnet l’appui de ses relations, le poussait à Lyon vers une carrière de fabricant. Et elle l’aidait à refuser la sécurité illusoire de l’atelier de tissage ; cela dans une ville moderne pour son temps, où dominants et dominés formaient deux mondes séparés. Et puis, il n’était pas seul des siens à Lyon en 1813 : sans parler de ses frères étudiants en droit qu’il avait retrouvés à Lyon, mais qui en étaient repartis pour continuer leurs études à Paris, un de ses cousins germains, Jacques Bonnet, fils de son oncle Joseph, entrait, dès 1812, en apprentissage pour tenter sa chance, lui aussi, dans la fabrique.
Enthousiasmante puis inquiétante Révolution
En Bugey, la famille Bonnet a eu une attitude franchement favorable à la Révolution, en tout cas à une grande partie de son évolution politique. Jean-Baptiste et Joseph Bonnet, notamment, furent de sincères républicains. Enthousiasmante puis inquiétante Révolution : on en avait tiré des avantages, on sortait avec soulagement de ses moments les plus terribles, on était heureux d’échapper aux risques d’un égalitarisme social radical. « La furieuse année 1794 avait emprisonné la glorieuse année 1793 », pour reprendre l’expression de Michelet : là est le moment du décrochage, en effet, pour les Bonnet d’Ambérieu et de Jujurieux.
A Lyon, en revanche, la tourmente n’avait pas changé grand chose à l’organisation réelle de la Fabrique de soierie, malgré son affaissement. Les jeunes gens qui ambitionnaient d’entrer dans le milieu de ses dirigeants, pouvaient constater que la mentalité contre-révolutionnaire y était prédominante et que c’était un fait à prendre en considération.
« Je m’en souviendrai »
C’était avec un mélange d’esprit d’initiative et de prudence, venus de son père et de ses oncles, et le respect des traditions inculqué par sa mère, que Bonnet se lançait dans l’aventure de la Fabrique. Politiquement et socialement, ce Lyon là risquait bien d’en faire un conservateur. Mais dans l’activité professionnelle, serait-il conformiste ou novateur ? Il fit, en tout cas, ses débuts conformément aux usages : l’apprentissage, l’emploi appointé, la mise à son compte. Il fonda sa maison en 1810, maison si modeste au départ qu’elle faillit chavirer très vite, en commençant juste avant que ne survienne une violente crise économique. Je m’en souviendrai, déclara cet homme de vingt cinq ans qui ne céda jamais au découragement.