Amédée Bonnet organise ses études de médecine

Le futur brillant médecin fut d'abord un étudiant particulièrement doué et avisé quant à la conduite de ses apprentissages. Il détaille son emploi du temps dans cette lettre à son père Joseph Bonnet.

J’ai disposé mon temps d’une manière que bien des gens pourront improuver […]. Je ne suis point de cours. Sentant l’utilité de l’observation, je cherchai à trouver un pansement, mais comme les internes n’ont qu’une seule lumière, je fus obligé d’abandonner mon projet pour l’hiver. Alors je pris le parti de me remettre à suivre la visite du Major. Ce ne fut pas pour longtemps. J’en fus de suite découragé. Qui le croiroit ? Le Major voit tous les matins en deux heures 400 malades, c’est-à-dire toutes les salles de chirurgie; et je vous le demande, que voir, qu’observer au milieu de cette confusion ? Ajoutez à cela la fougue des nouveaux qui, se précipitant autour des lits, obstruent le passage; enfin que la visite se terminant à 9 heures et l’amphithéâtre s’ouvrant à huit, l’on perd en y allant une heure de dissection. Aussi tous ceux qui n’ont pas suivi le même parti que moi m’avouent que s’ils en agissent autrement c’est uniquement par crainte de l’appel; mais l’instruction n’est-elle point préférable à une inscription ? et certes, mon instruction y gagne beaucoup. […]

Amédée Bonnet, photographie de Camille Dolard, 1856
Amédée Bonnet, photographie de Camille Dolard, 1856

Je travaille jusqu’à huit heures à rédiger mes questions de concours et puis je vais à l’amphithéâtre où toujours je reste jusqu’à onze heures. A onze heures l’amphithéâtre se ferme à cause du cours d’anatomie, je vais déjeuner. Vous pourrez me demander pourquoi je ne suis pas les cours d’anatomie. Parce que si je le suivais, je serai obligé de déjeuner pendant une heure où je reste à l’amphithéâtre et comme l’on profite beaucoup mieux en disséquant qu’en voyant à un cours, je préfère employer mon temps aux dissections. Rentré à midi à l’amphithéâtre et les nouveaux arrivent, alors je leur fais, moi, une leçon sur les organes que j’ai disséqués la matinée, ou bien nous l’étudions ensemble, si je n’ai point eu le temps de préparer ce que j’ai à dire. Cette manière de faire me profite beaucoup elle m’oblige à bien connaître tout ce que je vois, elle m’habitue à m’énoncer sur ces objets et les grave fortement dans ma mémoire. Je reste jusqu’à quatre heures à l’amphithéâtre, puis je vais dîner. Je rentre à cinq heures et demie, 6 heures dans ma chambre et j’y reste à travailler jusqu’à dix, moment où je me couche. Je vous ai dit que je ne suivais point de cours de médecine ni de chirurgie. La raison en est que ces cours se font aux heures où l’on peut être à l’amphithéâtre, que l’on y dit des choses que je puis parfaitement bien étudier dans mes livres, lorsque je suis rentré dans ma chambre […]. La connaissance de l’anatomie en est le but principal. Je sais que c’est peut-être le dernier hiver où je pourrai l’étudier facilement […].

Je vous ai dit qu’une foule d’obstacles s’opposoient à la facilité de nos dissections. […] L’administration a nommé un prosecteur qui seul a le droit de faire des cours particuliers d’anatomie et celui-ci pour augmenter le nombre de ses élèves, avoit imaginé plusieurs moyens, à lui avantageux mais funestes aux anciens et aux nouveaux. Il vouloit mettre tous les nouveaux d’un côté et tous les anciens de l’autre, nous avons élevé l’opposition la plus vive et nous avons renversé ses projets. Ne sachant plus alors que faire, sous prétexte de subvenir aux frais de l’amphithéâtre, il a mis les cadavres à 3 francs; et voici une semaine qu’on les paye à ce prix. Il nous fait de plus payer en entrant une somme qui n’est point encore déterminée et que l’on payera dans quelques jours.

Nous avons formé une société de quelques étudiants et à dater d’aujourd’hui, nous nous réunirons pour répéter nos questions de concours. Certes il faut travailler avec ardeur, si l’on veut être reçu interne à Paris. L’externat n’est point d’une grande difficulté, mais l’internat, c’est différent. Pour 20 places il y avait cette année 117 concurans [sic].

Lyon 12 décembre 1826.

Lettre d’Amédée Bonnet à son père, Papiers Mouterde

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