“Nous nous faisons bien des privations pour vous élever”

Eloïse Bonnet écrit à son fils Jules, collégien, au printemps 1825.

J’ai bien reçu, mon ami, la lettre dans laquelle tu me demandois les fables de la fontaine, mais la lettre n’est arrivée que deux ou trois jours avant l’examen dont tu me parles et n’ayant pas trouvé d’occasion plus prompte, elles sont encore ici [….] si tu n’es pas pressé, je te les porterai après Pâques quand j’irai te faire habiller…

Je t’envoye une paire de bretelles que je t’ai tricotées, je pense qu’elles seront assez longues [….] Je crois que c’est Mme Durand qui portera ma lettre et le petit paquet, si ce n’est pas elle je les enverrai mardi par Bollache…

Voilà la fin du mois, mon bon ami, j’attends avec empressement le bulletin parce que je me flatte que tes places continueront à être bonnes. Je présume bien que tu retournes aux leçons de dessin. Il faut toujours y aller, c’est un talent qui peut toujours être utile. Et puis d’ailleurs, il faut bien employer tout son tems utilement quand on devient grand [….]. Le tems perdu se rattrappe difficilement. Persuade toi bien cela, mon bon petit et n’oublie pas non plus que nous nous faisons bien des privations pour vous faire élever, que nous les faisons sans peine dans l’espoir que vous ferez tous vos efforts pour réussir. Tu es assez raisonnable pour sentir qu’il seroit bien triste pour nous, si nous nous les faisions inutilement, mais je me flatte qu’au contraire, nous n’aurons qu’à nous en féliciter.

Tu auras bien de la peine à lire ma lettre, je l’écris avec la plume d’Eugène qui est tout à fait usée, mais il n’y en a pas d’autre dans le bureau et elle est si petite qu’il faudroit être adroit pour la tailler encore une fois.

Eugène et ton papa sont à la grand-messe, je les ai vu passer tous deux avec la procession des Rameaux, Eugène en avait un si long et si chargé de grosses pommes que je suis bien persuadée qu’il a du suer en le portant. Ton oncle Louis est arrivé cette nuit pour passer les féries de Pâques avec nous, on attend aussi ton oncle César.

 Adieu mon enfant, nous t’embrassons de tout notre coeur. Ton petit oiseau qui est sur ma tête pendant que je t’écris se porte à merveille. Une chose que je te recommande aussi beaucoup, c’est d’être grassieux et prévenant quand tu vas chez ton grand papa, ils ont tous bien des bontés pour toi, il faut faire de ton côté tout ce que tu peux pour leur être agréable. Souviens toi de cela,  mon petit.

Je pense que Bouveyron a fait tes souliers.

Jujurieux, 27 mars 1825

L’italique indique l’orthographe respectée.       

Papiers Cossieu, lettre d’Eloïse Bonnet à son fils Jules, au collège de Bourg-en-Bresse 

           

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